Coupe du monde de football au Qatar

Supplique pour enterrer l’audience de la coupe du monde de foot 

Il ne s’agit pas ici d’accuser des innocents ou, par exemple, de faire payer arbitrairement les conséquences du choix scandaleux de la FIFA aux joueurs actuels. L’attribution de l’organisation de la compétition au Qatar datant de décembre 2010, il ne sont à priori coupables de rien.
Théoriquement, ils sont libres de refuser la sélection en équipe nationale mais on peut admettre que les risques sur la suite de leur carrière sont probablement dissuasifs, et que leur désir de participer à ce qui reste le plus grand évènement sportif de la planète l’emporte sur toute autre considération éthique. Inutile donc d’accabler les joueurs.
Pour autant, de quels moyens disposons-nous pour signifier notre indignation face aux agissements des dirigeants qataris (et de leurs complices), tant pour l’obtention de l’organisation que dans la gestion humaine des chantiers colossaux en œuvre depuis plus d’une décennie ?

Des conditions d’attributions opaques

La corruption pour obtenir les votes des dirigeants du football a commencé dès les années 90 et s’est poursuivie semble-t-il jusqu’au désormais fameux déjeuner à l’Élysée du 23 novembre 2010.
Nicolas Sarkozy recevait Michel Platini, à l’époque président de l’UEFA, Tamin Ben Hamad al-Thani, prince héritier du Qatar (l’actuel émir), du cheikh Hamad Ben Jassem, alors Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar et l’inénarrable Claude Guéant. 
Le 2 décembre 2010, Michel Platini votait pour le Qatar, qui raflait la mise avec 14 voix contre 8 pour les Etats-Unis.
Sept Blatter lui-même a évoqué l’influence de ce déjeuner à l’Élysée et les promesses obtenues ce jour-là : six mois plus tard, en mai 2011, le fonds Qatar Sports Investments (QSI) rachetait le PSG pour 76 millions d’euros à Colony Capital, dirigé en France par Sébastien Bazin, proche de Nicolas Sarkozy. Fin 2011, comme par miracle, Laurent Platini, fils de Michel, était recruté comme directeur général de l’équipementier qatari Burrda Sport, filiale de QSI.
Platini n’est pas condamné à ce jour. Sarkozy n’a même pas été entendu. Laissons leur le bénéfice du doute…
Par ailleurs, durant des années avant ce mois de décembre 2010, les valises de billets ont beaucoup voyagé, en Afrique notamment.

Une hérésie écologique

C’est ainsi que ce projet débile sur le plan écologique, a fini par aboutir. On  accepte de repousser la compétition à la fin de l’automne pour éviter les 50 degrés estivaux et on valide la construction de stades climatisés au milieu du désert. 
Certes, la conscience du réchauffement climatique était moins prégnante en 2010 qu’elle ne l’est aujourd’hui, mais l’indignation se faisait déjà entendre, à juste titre.

L’esclavagisme à tous les étages

Enfin, on peut espérer que les dirigeants de l’époque, s’ils méprisaient les conséquences écologiques de leur décision, ils ignoraient également la nature de la gestion humaine de l’immense chantier dans laquelle les Qataris allaient s’engager. 
Une enquête du Guardian publiée en février 2022, fait état de 6500 morts, en quasi-totalité des travailleurs migrants : des ouvriers issus du Pakistan, du Sri Lanka, d’Inde, du Bangladesh, du Népal, des Philippines, du Kenya…
À supposer que ces chiffres soient surévalués, et que le nombre de victimes de maltraitance ne soit « que » de 6000, ou même 5000, cela reste un véritable scandale qui à lui seul justifierait une annulation de la compétition

Les dirigeants qataris ont donc obtenu ce qu’ils voulaient pour un budget pharaonique (on parle de 150 milliards de dollars au total), pour donner au monde l’image d’un pays moderne et ouvert. C’est pitoyable.

Ne leur faisons pas cadeau d’un record d’audience télévisuelle

Ne nous berçons pas d’illusion avec un imaginaire refus généralisé de regarder les retransmissions de matchs à la télévision. La morale n’est pas ce qui caractérise le mieux l’intérieur ou les abords d’un stade de football. Avantages (rester fidèle à des principes et des valeurs, c’est valorisant) contre inconvénients (renoncer au plaisir de regarder les matchs), le dilemme devrait être de courte durée, hélas.
En revanche les annonces des villes qui refusent d’installer des écrans géants ont une portée seulement symbolique mais qui peut devenir un problème pour les Qataris si leur nombre augmente dans les prochaines semaines.

Si nous pouvions faire en sorte que cette coupe du monde réalise les plus mauvais scores d’audience depuis qu’elle est mesurée, le signal envoyé serait humiliant pour les responsables de cette monstruosité humaine et écologique, et encourageant pour les humanistes de tout poil, celles et ceux qui se battent pour le respect des droits humains, de la nature, et ne les bradent pas pour un match de foot.

Marc T.