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Rupture

« Je sais le tremblement de l’être, l’hésitation à disparaître » a écrit Houellebecq dans son poème La possibilité d’une île (du même titre que le roman).

Quelques mots magnifiques, plus ou moins obsessionnels, à intervalles réguliers.

Disparaître, dans ce poème de Houellebecq, ne signifie pas se donner la mort, ce serait trop simple. Maupassant disait du suicide qu’il s’agit du sublime courage des vaincus, encore faut-il l’avoir, ce courage.
À défaut d’une île, disparaître c’est changer de vie, c’est rompre avec un passé dont le bilan semble chaque jour un peu plus fade, d’une vacuité définitivement irréparable.

Est-ce une conséquence sournoise des deux années rythmées par la pandémie et les longues périodes d’isolement, qui amène à dévaluer la qualité de la vie sociale « d’avant », à juger sévèrement son passé familial, professionnel ou amical, à susciter toujours plus d’interrogations que les précédentes ?

L’hésitation, en tous cas, lorsqu’elle est tardive, est toujours douloureuse. Disparaître définitivement ou tenter de rompre avec son existence actuelle ? Il est des étapes qui, au fil du temps, deviennent inévitables, et notamment celle-ci : devoir un beau jour évaluer ce que peut être le reste de sa vie, identifier ses envies et ses renoncements, volontaires ou imposés, se fixer de nouveaux objectifs, déterminer un niveau de risque social et matériel acceptable…

Toute réflexion prédictive est alors dominée, sans relâche, par un sentiment d’urgence absolue qui est, sans doute, à l’origine du « tremblement de l’être », de l’indécision dont il faut sortir, de la difficulté à envisager de manière positive un avenir à durée très indéterminée.

À défaut de pouvoir revenir en arrière, trembler jusqu’à parvenir à donner du sens à ses dernières années.
De la poésie, aussi, peut-être…

Marc T.