C’est fait, le très fameux article 24 de la loi dite de « Sécurité globale » vient d’être adopté par les députés, et compte tenu de sa nature, il n’y a aucune chance pour que le Sénat cherche à le retoucher.
C’est une nouvelle atteinte grave à nos libertés
Cet article prévoit de punir « d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende » le fait de diffuser des images d’un policier ou d’un gendarme « dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique », et crée de fait un nouveau délit dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
À première lecture, on peut se dire qu’il est en effet criminel de diffuser des images afin de faire courir un risque vital à un policier ou un militaire, et d’ailleurs à qui que ce soit. Mais comment sera-t-il possible, alors, de différencier la volonté d’informer, de celle de nuire ? Comment témoigner objectivement des violences policières, qui, même si elles sont beaucoup moins nombreuses et intentionnelles que d’aucuns veulent bien le dire sont parfois bien réelles, s’il devient impossible d’en informer la population en diffusant des images, donc des preuves ? Le gouvernement a raison de vouloir protéger ses policiers et gendarmes d’agissements malveillants à leur égard, car ceux-ci ont été nombreux, et les droits des membres des forces de l’ordre doivent évidemment être respectés. Mais la méthode pose un vrai problème.
Le Ministre de l’Intérieur se trompe de cible
De cible et de registre. L’information relative aux bavures (puisque c’est ainsi qu’il faut nommer les violences non justifiées ou ne correspondant pas à une réponse proportionnée aux provocations) doit être permise en toute transparence, et sans risque pour les personnes qui la fournissent.
En revanche, la justice devrait se montrer implaquable à l’égard de celles et ceux qui filment des provocations dont les forces de l’ordre sont l’objet, qui vont quelques fois jusqu’à un véritable harcèlement, puis les réponses évidemment vigoureuses en retour de ce harcèlement, mais ne diffusent finalement que les images des réactions policières en les présentant comme des violences gratuites. Il s’agit d’un procédé extrêmement malhonnête, destiné à décrédibiliser non pas forcément la police ou la gendarmerie, mais le gouvernement dans son ensemble. Très politique, donc. Certains journalistes, ou se présentant comme tels, sont de vrais spécialistes de ce genre d’enfumage, et ont inondé les réseaux sociaux de ces montages ignobles durant les manifestations de gilets jaunes, rendant policiers et gendarmes plus responsables des violences que les casseurs et autres agitateurs. Donc sanctionner ces agissements malveillants, oui bien sûr, avec la plus grande fermeté, la démonstration de la réalité de ces intentions incombant évidemment aux autorités.
Mais interdire les images, car la difficulté à apporter la preuve d’une absence de volonté de nuire fera qu’il s’agira bien d’une interdiction, ce n’est pas acceptable dans une démocratie digne de ce nom. Les grandes chaînes d’information prendront les précautions nécessaires et procèderont au floutage des visages des policiers ou gendarmes. Mais chacun sait bien que ce sont les diffusions sur les réseaux sociaux depuis les smartphones de Monsieur et Madame Toulemonde ou de journalistes Indépendants (vrais ou pas, les faux étant malheureusement souvent adoubés par les vrais) qui sont dans le collimateur.
Une fois de plus, ça passe, sans difficulté réelle, et nous acceptons ce marché de dupes : de moins en moins de libertés en échange de plus de sécurité. Ce que Tocqueville, déjà, appelait la « tyrannie douce ».
Cela finira mal, en 2022…
Marc T.