Question du jour : qui fait de la politique ? Réponse : tout le monde, ou à peu près.
Toute personne qui vote, bien sûr, et c’est la moindre des choses, qui s’informe, qui réfléchit, qui discute de sujets de société, qui s’engueule lors des repas de famille ou entre amis, mais aussi, et surtout, toutes celles qui s’engagent, dans le milieu associatif ou comme militant au sein d’un mouvement, et, évidemment, les élus.
Parmi les personnes qui « discutent », il y a désormais toutes celles que l’on peut croiser sur les réseaux sociaux (asociaux ?). Ah !!! La politique sur les réseaux ! Facebook et Twitter proposent une formidable possibilité de s’exprimer, de faire valoir son point de vue, de réagir à l’actualité, pour certains de défendre leurs idées, voire de militer, ou au moins, dit-on, de libérer sa parole. On y constate surtout une invraisemblable violence dans les échanges, et des clivages extrêmement puissants.
A qui la faute ? Facebook ? Twitter ? Même pas. Ce ne sont que des supports, des moyens d’expression offerts au vulgum pecus (vous et moi), habitué à étaler son incommensurable science auprès de sa famille, ses amis et collègues, et qui, là, peut interpeler, insulter à loisir des puissants, des gens de pouvoir, plus ou moins célèbres, en tous cas beaucoup plus que vous et moi … Mais finalement, est-ce si différent, en termes d’échanges, du spectacle que nous offrent les débats au plus haut niveau dans les grands médias ?
Pas vraiment, malgré, bien sûr, toutes les exceptions qui confirment la règle. Voyez par exemple, les discours des dirigeants de partis après une allocution ou une émission télévisée, après une intervention annoncée à l’avance : les adversaires politiques donnent presque toujours l’impression d’avoir préparé leur commentaire avant même que l’évènement n’ait eu lieu ! Le parti a rédigé les réponses, communiqué les habituels éléments de langage aux militants pour leur éviter de dire des bêtises. Et par principe, si on est dans le camp politique de l’intervenant(e), on est pour, contre si l’on appartient à une autre mouvance… On s’en défend, bien sûr, mais cela relève de l’opposition systématique. Bête et/ou méchante. C’est bien sûr le cas aujourd’hui, de manière criante, mais sauf lors de brefs épisodes de concorde nationale, il en a toujours été ainsi.
A l’échelle de l’Etat, des Régions, départements et grandes villes, il y a invariablement trois composantes : ceux qui sont au pouvoir, ceux qui sont dans l’opposition et qui ne désespèrent pas de gagner les prochaines élections, pratiquement aussi nombreux, et une petite minorité, généralement un groupuscule, qui essaie d’adopter autre chose que des positions forcément positives ou obstinément négatives, et se détermine au gré des sujets selon ses convictions. Intéressant, mais souvent, hélas, sans réel poids.
Et bien, je crois que nous sommes à l’image de la « classe » politique, vocable dans lequel j’inclue les militants. Parler ici de convictions profondes me paraît inapproprié pour la majorité d’entre nous, mais notre comportement, en particulier sur les réseaux sociaux, est entier, suiveur, dogmatique pour certains, bref, SANS NUANCE !
Or, il est, par exemple, possible de développer des idées qui reposent sur les valeurs de solidarité, de générosité, de partage, d’humanisme donc, sans pour autant nier celles de liberté et de responsabilité, de courage, et du nécessaire engagement visant à améliorer sa propre condition, celle de sa famille, et, pour certains, celles de son voisin, de son quartier, sa ville, voire de l’ensemble de ses concitoyens …
On peut également être convaincu qu’il y a urgence à mieux répartir le travail et les richesses, sans perdre de vue qu’il faut commencer par les créer, ces emplois et ces richesses.
Nous avons bien sûr le droit de considérer que les missions régaliennes de l’Etat (qui concernent aussi, pour partie, certaines collectivités locales ou territoriales) – nous parlons là de santé, d’éducation, de sécurité, de justice – ne sont pas assurées de façon satisfaisante, tout en acceptant l’idée que différentes approches de ces questions soient possibles.
Oui, il est normal que l’on puisse s’accorder sur le fait que la culture est un puissant facilitateur du « vivre ensemble » et diverger sur la manière d’en assurer sa diffusion le plus largement possible.
L’écologie, véritable urgence vitale, le sport extraordinaire vecteur d’intégration pour certains et d’apprentissage de la vie pour tous … je pourrais multiplier les exemples de sujets qui font quasiment consensus mais qui sont pourtant l’objet d’invraisemblables querelles.
Alors, ne serait-il pas temps de sortir enfin du manichéisme ? De considérer la politique autrement que par une confrontation perpétuelle entre ceux persuadés de défendre le bien contre le mal représenté par les autres, vous savez, ceux qui pensent la même chose de leurs adversaires, et vice versa dirait Coluche …
Il y a bien sûr, les extrêmes qui entraînent… les extrémistes, les oubliés, les laissés pour compte, plus quelques faibles d’esprit manipulables, à oublier ou même souvent, à combattre. Il ne s’agit pas ici de nier les différences de culture que portent les canaux historiques des partis de gauche dits à tort ou à raison « de gouvernement » et ceux de droite dite modérée …
Mais il y a aussi, et surtout, des gens tout simplement bien, intelligents, cultivés, attentifs au vivre ensemble, porteurs d’une vision réfléchie, patiemment construite, bref des gens dignes d’exercer le pouvoir et donc la responsabilité que cela implique, du conseiller municipal au Président de la République, des gens que l’on croise à gauche, à droite ou dans ces mouvements qui ne se réclament ni de droite ni de gauche.
« Le besoin d’avoir raison, marque d’esprit vulgaire » disait Camus … Ce point de vue est parfaitement adapté à ce qu’il se passe dans les conversations (oserais-je dire débat ?) sur les réseaux sociaux.
Raison de plus pour, haut et fort, réclamer moins de dogmatisme, crier stop au manichéisme, exiger plus d’ouverture, davantage de respect, voire même de douceur (on peut rêver !), et le sens de la nuance, des nuances.
Et il est possible d’en dénombrer beaucoup plus de 50 …
Marc T.